lundi 3 mars 2014

Le désir pour conduire sa vie ?



Le désir, pour conduire sa vie ?

« Etre ou avoir, telle est la question », cette maxime s’appliquerait-elle aussi au désir ? En effet, dans cette société qui veut faire de chacun des consommateurs, la vision du désir se réduit bien souvent, à la possession de l’objet. Le désir peut-il aussi jouer sur la partition de l’être ?
Etre et avoir ? Avoir ou être ?
Situer le désir du côté de l’avoir, n’est-ce pas chercher à nier le manque ? Chercher à nier le fait que l’être humain est ainsi constitué qu’il ne pourra jamais ni être comblé, ni penser combler l’autre. C’est de la castration dont il est question, mais est-il si simple de l’assumer cette castration dans la société actuelle ? Cette société du XXIe siècle voudrait nous faire croire que la possession de l’objet d’amour est possible, que nous pouvons être heureux et le rester indéfiniment par le fait de posséder. Cette logique de la possession consiste à chercher à avoir toujours plus, à être à l’affut des dernières technologies pour les utiliser comme faire-valoir. Elle va dans le sens d’une volonté de maîtrise, de contrôle et marque une difficulté à lâcher prise et à se laisser conduire par la vie et tous ses imprévus, une difficulté à marcher sans avoir tout programmé à l’avance. Mais avoir tout prévu est source d’insatisfaction car il est rare que les événements se déroulent comme prévu. Ainsi, la vraie rencontre est toujours surprenante car elle laisse la place à ce que l’autre apporte. Elle ouvre la voie de la réciprocité entre donner et recevoir.
Quelle fragilité intérieure que de baser toute sa vie sur cette  volonté de maîtrise. Un objet extérieur, que l’on peut tenir dans ses mains et manipuler comme on le souhaite est plus facile à contrôler qu’un objet interne qui échappe à la prise. C’est une manière de confondre désir et volonté. Derrière cette volonté de maîtrise se cache une angoisse devant la vie, une angoisse que la vie ne nous donne pas la vie ?? Une angoisse qu’il manque toujours quelque chose ? Or c’est bien le propre du désir que d’être fondé sur le manque, un manque assumé.
L’objet du désir peut-il devenir interne ou reste-t-il externe ? Externe, il demeure entre les mains et il est manipulé à la guise par le possesseur des mains : aucune relation, aucune réciprocité entre  le possesseur des mains et l’objet. L’être humain est alors vécu comme possédant aussi son corps pour l’utiliser à sa guise. La relation entre l’objet externe et la personne est alors une relation de pouvoir, de manipulation de l’un par l’autre. C’est une relation de dépendance qui  s’instaure avec l’objet. A ce moment, il n’est plus question de désir mais de besoin.
Pourtant, le destin de cet objet du désir n’est pas de rester externe. Son destin est au contraire d’être, petit à petit, internalisé. L’objet prend un sens singulier pour le sujet qui alors  habite son corps plutôt que de le posséder et le manipuler.  Un objet interne (que ce soit une personne ou un attrait pour telle activité…) a sa source dans un univers intérieur. Interne, l’objet a une influence sur le sujet du désir, une relation s’établit où ni l’un ni l’autre ne peut posséder ni contrôler l’autre.
Le désir d’être n’est pas de l’ordre de la maîtrise, mais de la confiance en la vie qui trace son chemin. La confiance dans ce lieu intime, le Soi, source  du désir et source de la vie que tout sujet reçoit  jour après jour. Personne ne sait où la vie va le conduire, où le désir va le conduire !!
Le désir ne serait-ce pas cette posture d’obéissance au réel, cette attention qui sait tracer jour après jour le chemin dans un réel inaltérable, cette boussole pour conduire sa vie au travers de tous les aléas ? Car la définition du réel, de la réalité, c’est bien d’échapper. Il n’est pas possible d’avoir prise sur la réalité, il faut composer avec ce qui arrive et qui n’était pas prévu. Et alors le défi du désir consiste à tracer un chemin, à faire de sa vie une œuvre d’art pour ne pas se laisser enfermer dans une réalité difficile mais pour la transformer ! Quelle grande humilité à travailler en soi pour ne pas se croire arrivée,  pour être toujours en position d’apprendre de la vie et des autres !

Le désir est un chemin d’humilité. Laisser parler son désir, c’est  tenir au plus près de la vérité qui est en soi, pour qu’elle nous aide à conduire notre vie et à garder le cap.

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