La bisexualité psychique
La théorie du genre dont nous
entendons tellement parler depuis quelques temps est une étude des stéréotypes
liés aux rôles des hommes et des femmes. Elle vise à déconstruire ce que les
hommes et les femmes font ou peuvent faire dans la société. Elle est le fruit historique d’une lutte entre
femmes et hommes pour l’égalité, lutte qui n’est plus une lutte des classes
mais une lutte des sexes ! Elle met en avant l’homme ou la femme comme des
entités distinctes et absolument définies par le sexe physique qui leur est
imparti tout en cherchant à détruire les particularités liées au sexe pour aller
vers une vision de plus en plus androgyne des relations humaines.
Mais qu’est-ce que
l’égalité ? C’est une idée héritée de la révolution française, encore une
lutte ( !!!) contre les privilèges d’une certaine partie de la société.
« La déclaration des droits de l’homme et du citoyen » déclare
« Tous les individus naissent libres et égaux en droits ». Il est à
noter qu’il est question des droits de l’homme et du citoyen et qu’à cette
époque il n’est pas fait place aux femmes. Et il s’agit d’un combat contre…
L’égalité vise à ce moment-là la possibilité pour chacun (les hommes) d’avoir
les mêmes droits et d’avoir aussi les
mêmes chances! L’égalité était synonyme « d’abolition des
privilèges », mais on sait combien cela pouvait être utopique ! Et
attention à ne pas transformer cette lutte en « abolition des
différences » ! Aujourd’hui, l’égalité est remplacée par la
parité : la parité homme femme, la parité des classes d’origine dans les
grandes écoles …
Après tout un temps de domination
de l’homme sur la femme, celle-ci a cherché à se libérer et à accéder à une
possibilité de penser et de vivre par elle-même et non plus sous la dépendance
de l’homme. Belle lutte qui met en avant la dignité de toute personne quel que
soit son sexe ! Mais la théorie du genre, ne privilégie-t-elle pas encore
un paradigme de la relation basé sur la domination de l’un par l’autre et sur
une vision hiérarchique des rapports humains ? Et d’ailleurs, cette
théorie n’est-elle pas sous-tendue par le présupposé que les activités masculines
sont beaucoup plus valorisées que les activités dites féminines ? Les
femmes veulent faire les mêmes activités que les hommes ? Pourquoi pas
mais quel dommage si elles les font à la manière masculine ! Et pourquoi
demandent-elles aux hommes de partager les tâches familiales si ce n’est parce
qu’elles pensent que ces tâches sont déconsidérées ?
En réfléchissant uniquement sur
le versant des rôles sociaux des uns et des autres, une question émerge :
qu’en est-il de la dimension psychique ? Définir la femme en disant
qu’elle n’est que femme et définir l’homme en disant qu’il n’est qu’homme
n’est-ce pas un peu réducteur ? De l’anatomie, nous passons à la dimension
sociale. N’y a-t-il rien entre les deux ? L’individu se réduit-il à un corps social ?
Freud dans sa théorie sur la
« bisexualité psychique » ne peut-il pas apporter quelques éléments
importants pour notre réflexion ?
Bien entendu, nous devons
resituer Freud dans son époque. La société viennoise de la fin du XIXème et du
début du XXème siècle était bien éloignée de ces considérations et vivait encore
sous le régime patriarcal et masculin. Malgré ce parti-pris, l’originalité de
son approche a été de parler de la sexualité en terme psychique : il a
utilisé les concepts de féminin et masculin, et non pas les
représentations corporelles de l’homme et de la femme. Bien entendu le féminin
et le masculin prennent leurs racines dans le corps mais ces concepts nous
invitent à considérer la dimension psychique. L’identité psychique de la femme
et de l’homme est bidimensionnelle, elle se compose d’éléments féminins et
d’éléments masculins. Du côté du féminin, les qualités de douceur, de
réceptivité, de négociation, d’émotion … Du côté du masculin, les qualités de
force, de rigueur, de raison …. A partir de son histoire personnelle, de son histoire familiale et inconsciente,
chaque personne intègre à des degrés divers des éléments féminins et masculins.
La simple observation nous montre
que ni les hommes ni les femmes ne sont exclusivement du côté de l’un ou de
l’autre et heureusement ! Sinon les uns et les autres manqueraient quelque
chose de leur humanité, enfermés qu’ils seraient dans leur bulle !! Penser
en termes de féminin et de masculin ne pourrait-il pas nous aider à sortir de
ce piège de la domination de l’un par l’autre ou du piège de l’abolition des
différences ?
Sans tomber dans un fantasme de
complémentarité, ne pourrions-nous pas penser en termes de collaboration du
féminin et du masculin d’abord en chacun d’entre nous et dans la société ?
La collaboration du féminin et du masculin en chacun(e), passe peut-être par la promotion du dialogue en soi entre les
différentes parties de soi. C’est loin d’être une gymnastique intérieure
habituelle. Mais passer du combat contre, au dialogue est peut-être un chemin
qui pourrait favoriser une ouverture vers de nouveaux horizons dans les
relations humaines et sociales ?
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