mardi 15 avril 2014

La bisexualité psychique



La bisexualité psychique

Ouvrir un dialogue pour faire des ponts plutôt que d’ouvrir le combat pour couper des liens.


La théorie du genre dont nous entendons tellement parler depuis quelques temps est une étude des stéréotypes liés aux rôles des hommes et des femmes. Elle vise à déconstruire ce que les hommes et les femmes font ou peuvent faire dans la société. Elle  est le fruit historique d’une lutte entre femmes et hommes pour l’égalité, lutte qui n’est plus une lutte des classes mais une lutte des sexes ! Elle met en avant l’homme ou la femme comme des entités distinctes et absolument définies par le sexe physique qui leur est imparti tout en cherchant à détruire les particularités liées au sexe pour aller vers une vision de plus en plus androgyne des relations humaines.
Mais qu’est-ce que l’égalité ? C’est une idée héritée de la révolution française, encore une lutte ( !!!) contre les privilèges d’une certaine partie de la société. « La déclaration des droits de l’homme et du citoyen » déclare « Tous les individus naissent libres et égaux en droits ». Il est à noter qu’il est question des droits de l’homme et du citoyen et qu’à cette époque il n’est pas fait place aux femmes. Et il s’agit d’un combat contre… L’égalité vise à ce moment-là la possibilité pour chacun (les hommes) d’avoir les  mêmes droits et d’avoir aussi les mêmes chances! L’égalité était synonyme « d’abolition des privilèges », mais on sait combien cela pouvait être utopique ! Et attention à ne pas transformer cette lutte en « abolition des différences » ! Aujourd’hui, l’égalité est remplacée par la parité : la parité homme femme, la parité des classes d’origine dans les grandes écoles …
Après tout un temps de domination de l’homme sur la femme, celle-ci a cherché à se libérer et à accéder à une possibilité de penser et de vivre par elle-même et non plus sous la dépendance de l’homme. Belle lutte qui met en avant la dignité de toute personne quel que soit son sexe ! Mais la théorie du genre, ne privilégie-t-elle pas encore un paradigme de la relation basé sur la domination de l’un par l’autre et sur une vision hiérarchique des rapports humains ? Et d’ailleurs, cette théorie n’est-elle pas sous-tendue par le présupposé que les activités masculines sont beaucoup plus valorisées que les activités dites féminines ? Les femmes veulent faire les mêmes activités que les hommes ? Pourquoi pas mais quel dommage si elles les font à la manière masculine ! Et pourquoi demandent-elles aux hommes de partager les tâches familiales si ce n’est parce qu’elles pensent que ces tâches sont déconsidérées ?
En réfléchissant uniquement sur le versant des rôles sociaux des uns et des autres, une question émerge : qu’en est-il de la dimension psychique ? Définir la femme en disant qu’elle n’est que femme et définir l’homme en disant qu’il n’est qu’homme n’est-ce pas un peu réducteur ? De l’anatomie, nous passons à la dimension sociale. N’y a-t-il rien entre les deux ? L’individu se  réduit-il à un corps social ?
Freud dans sa théorie sur la « bisexualité psychique » ne peut-il pas apporter quelques éléments importants pour notre réflexion ?
Bien entendu, nous devons resituer Freud dans son époque. La société viennoise de la fin du XIXème et du début du XXème siècle était bien éloignée de ces considérations et vivait encore sous le régime patriarcal et masculin. Malgré ce parti-pris, l’originalité de son approche a été de parler de la sexualité en terme psychique : il a utilisé les concepts de  féminin et masculin, et non pas les représentations corporelles de l’homme et de la femme. Bien entendu le féminin et le masculin prennent leurs racines dans le corps mais ces concepts nous invitent à considérer la dimension psychique. L’identité psychique de la femme et de l’homme est bidimensionnelle, elle se compose d’éléments féminins et d’éléments masculins. Du côté du féminin, les qualités de douceur, de réceptivité, de négociation, d’émotion … Du côté du masculin, les qualités de force, de rigueur, de raison …. A partir de son histoire personnelle, de  son histoire familiale et inconsciente, chaque personne intègre à des degrés divers des éléments féminins et masculins.
La simple observation nous montre que ni les hommes ni les femmes ne sont exclusivement du côté de l’un ou de l’autre et heureusement ! Sinon les uns et les autres manqueraient quelque chose de leur humanité, enfermés qu’ils seraient dans leur bulle !! Penser en termes de féminin et de masculin ne pourrait-il pas nous aider à sortir de ce piège de la domination de l’un par l’autre ou du piège de l’abolition des différences ?
Sans tomber dans un fantasme de complémentarité, ne pourrions-nous pas penser en termes de collaboration du féminin et du masculin d’abord en chacun d’entre nous et dans la société ? La collaboration du féminin et du masculin en chacun(e), passe peut-être  par la promotion du dialogue en soi entre les différentes parties de soi. C’est loin d’être une gymnastique intérieure habituelle. Mais passer du combat contre, au dialogue est peut-être un chemin qui pourrait favoriser une ouverture vers de nouveaux horizons dans les relations humaines et sociales ?

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